Les conclusions des trois débats publics sur la révision des lois bioéthiques sont dévoilées mardi.
Comment les citoyens français, associés pour la première fois à la réflexion sur les prochaines lois bioéthiques, se positionnent-ils sur les grands sujets en débat ? Dans le domaine des greffes d'organes, «ils sont plutôt pragmatiques et ouverts aux solutions pour augmenter le nombre de donneurs, comme le recours aux donneurs vivants», assure le Pr Jean Leonetti, président du comité de pilotage des États généraux de la bioéthique.
Les Français feraient également preuve de libéralisme dans leur vision de l'assistance médicale à la procréation (AMP) hors du cadre légal actuel des couples hétérosexuels stables. En revanche, selon Jean Leonetti, les débats ont montré une certaine réticence des citoyens à propos de la gestation pour autrui, «la compréhension de la légitimité du désir d'enfant se heurtant aux craintes de marchandisation du corps humain».
Après des mois de préparation, c'est mardi qu'est rendue publique la synthèse des États généraux de la bioéthique, préalable à la révision de ces lois en 2010-2011. Cette synthèse, présentée lors d'un colloque national à Paris, prendra en compte les collaborations d'internautes postées sur le site etatsgenerauxdelabioethique.fr, et surtout les forums régionaux réalisés en juin à Marseille, Rennes et Strasbourg.
Chacun de ces débats publics - d'une durée de six heures - a été animé par un panel représentatif d'une quinzaine de jurés citoyens (formés pendant deux week-ends sur ces questions), avec l'éclairage de spécialistes des thématiques abordées. Quoi qu'en retiendra le législateur, le pari de cette consultation populaire est déjà gagné, estime Jean Leonetti. «Quand j'ai proposé ce principe de forums citoyens, explique-t-il, beaucoup de mes collègues étaient sceptiques. Selon eux, les questions de bioéthique, complexes, sont une affaire de spécialistes, et les citoyens ne peuvent donner un avis éclairé. En faisant le pari de l'intelligence, nous avons observé que les gens vont au bout de leur réflexion. Au final, ils émettent souvent des avis mesurés, dont on ne peut redouter l'extrémisme ou un choix à l'emporte-pièce.»
Ainsi, indique Jean Leonetti, les citoyens ont tout à fait saisi la subtilité du dossier de la recherche sur les embryons et les cellules souches. Pour l'instant, la loi les interdit, mais des projets de recherches sont acceptés à titre dérogatoire et temporaire (jusqu'en 2011). Qu'en sera-t-il ensuite ? C'est l'un des axes épineux que devront définir les prochaines lois bioéthiques. «Dans les débats, j'ai ressenti que les citoyens sont convaincus de l'importance de ces recherches, et qu'ils trouveraient dommage d'y renoncer. En même temps, ils sont conscients que l'embryon n'est pas une chose.»
Un certain pragmatisme
Le généticien Axel Kahn (Paris), qui a participé au forum de Strasbourg (consacré aux greffes d'organes, à la médecine prédictive et aux tests génétiques), est, lui, frappé par le regard «frais et décapant» des citoyens jurés. «Les experts des questions de bioéthique ont souvent des positions attendues, le législateur est, lui, très attaché à la fidélité à une certaine norme sociale et familiale. Ces citoyens informés m'ont paru être plus libres, avec moins de tabous» relève-t-il. Ils seraient guidés par un certain pragmatisme, notamment sur les sujets de l'assistance à la procréation et des tests génétiques. «Mais ils restent très attachés aux valeurs de solidarité, insiste Axel Kahn. Quand on leur indique qu'une voie de recherche ou une technique peut poser un problème dans ce domaine, on ressent une opinion défavorable.»
Le Pr Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'Inserm, se dit impressionné par «le degré de maturité et de motivation de ces citoyens et la pertinence de leurs questions. On a trop souvent l'habitude de débats qui consistent à discuter de positions préétablies, alors que là, on est au cœur d'une réflexion active en amont, un dialogue sous forme de questionnement qui permet d'aller plus loin», se félicite ce spécialiste, sollicité lors du forum de Marseille, consacré à la recherche sur les cellules souches et aux diagnostics prénataux et préimplantatoires. Il aurait cependant souhaité que les citoyens disposent d'un temps plus long et que les thèmes abordés, dans les différents forums, fassent l'objet d'une réflexion plus globale.
Pour le président du Comité consultatif national d'éthique, le Pr Alain Grimfeld, c'est avant tout à cette instance et à ses espaces régionaux que devraient revenir les processus de participation citoyenne sur les sujets d'éthique. «En dehors de l'arrêté d'“agrément”des espaces régionaux, qui n'est pas encore signé, tout est en place pour que ces structures fonctionnent de façon pérenne. Les forums citoyens sont un processus trop instantané et ponctuel pour être exclusifs.»
http://www.lefigaro.fr/sante/2009/06/23/