miércoles, 3 de junio de 2009
50 000 ans d'histoire génétique des Pygmées
Paul Verdu mesure la stature d'un Pygmée Babongo, au Gabon. Bien qu'assez petite, la taille moyenne des Pygmées d'Afrique de l'Ouest diffère fortement d'un groupe à l'autre.
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Les Pygmées sont certainement le plus grand groupe de chasseurs-cueilleurs du monde. Et ils sont constitués de nombreuses populations différentes qui n'ont pas le sentiment d'une origine commune. Pourtant, récemment, des travaux de génétique des populations1 d'une équipe française2 ont jeté un éclairage inattendu sur l'origine des Pygmées de l'Ouest de l'Afrique centrale, et sur les conséquences des relations qu'ils entretiennent avec leurs voisins agriculteurs sédentaires, non pygmées.
Les chercheurs ont étudié une vingtaine de marqueurs génétiques sur 604 personnes du Cameroun, du Gabon et du Congo, qui proviennent de douze groupes non pygmées et de neuf populations pygmées voisines. Trois résultats notables ont été obtenus.
D'abord, vraisemblablement3, les Pygmées de l'Ouest de l'Afrique centrale ont divergé des non-Pygmées depuis au moins 50 000 ans. Ils ont ensuite commencé à se fractionner en groupes plus petits il y a seulement 3 000 ans environ. « D'après nos résultats, tous les groupes pygmées de l'Ouest de l'Afrique centrale ont bel et bien une origine commune », résume Paul Verdu, généticien des populations au laboratoire « Écoanthropologie et ethnobiologie » et co-auteur de ces travaux. « Ce qui est assez étonnant, puisque la catégorie “Pygmées” est une projection d'un mythe occidental sur des populations africaines. Le terme est en effet dérivé d'un mot grec, pygmaios, qui signifie “haut d'une coudée”. » Le premier à l'employer fut Homère. « Puis c'est au XIXe siècle que les premiers explorateurs européens en Afrique centrale ont baptisé “Pygmées” tous les hommes de petite taille qu'ils ont rencontrés, si bien qu'une trentaine de groupes ethniques, dispersés dans huit pays, sont aujourd'hui désignés ainsi. » D'ailleurs, ce terme englobe des réalités culturelles, écologiques et même morphologiques très variées. « Selon les groupes, la taille moyenne d'un homme adulte varie, par exemple, de 1,43 à 1,61 mètre. De même, si les Pygmées sont majoritairement des chasseurs-cueilleurs nomades, qui vivent en forêt, certains pratiquent l'agriculture et habitent la savane. Leurs différentes communautés n'ont pas de langue commune. Elles parlent généralement celles des groupes non pygmées voisins, avec lesquels elles entretiennent des relations complexes. »
Second résultat : chacune des populations pygmées d'Afrique de l'Ouest présente une diversité génétique plus grande que celles des non-Pygmées qui les entourent. « La date à laquelle, d'après nos résultats, les populations pygmées auraient commencé à se fragmenter, correspond à l'époque de la révolution néolithique dans la région. En favorisant l'expansion des agriculteurs de langue bantoue, ce phénomène a pu entraver la mobilité des Pygmées. Leur groupe d'origine se serait alors fractionné en populations d'assez faible effectif, ce qui aurait conduit, par un phénomène de “dérive génétique”, à l'importante variabilité constatée aujourd'hui. »
Enfin, le flux génique4 entre Pygmées et non-Pygmées est asymétrique : il s'effectue préférentiellement des non-Pygmées vers les Pygmées. Il trouve peut-être son origine dans la discrimination qui s'exerce en partie sur ces derniers. « Pour un homme pygmée, il est impossible de se marier à une femme non pygmée. Cependant, il est assez fréquent qu'un homme non pygmée prenne pour épouse une femme pygmée, explique Paul Verdu. Théoriquement, les épouses sont alors accueillies dans la famille du mari, mais compte tenu de la pression sociale, un grand nombre de ces “mariages mixtes” se soldent par une séparation. Les enfants, dont la moitié des gènes est non pygmée, retournent alors, avec leur mère, dans la communauté d'origine de celle-ci. Ce flux de gènes, des populations non pygmées vers les populations pygmées, pourrait être renforcé par la présence, chez les Pygmées, d'enfants illégitimes de père non-pygmée. »
Maintenant, il faudrait comparer le lien de parenté des Pygmées de l'Ouest de l'Afrique centrale avec ceux qui peuplent l'Est du continent, afin de voir si eux aussi ont une origine commune, entre eux d'abord, et avec leurs congénères de l'Ouest ensuite.
Enfin, la génétique pourrait aider à élucider la cause de leur faible stature. « Il peut s'agir d'une adaptation à l'environnement ou d'un “effet fondateur”, si le groupe d'origine était composé d'individus de petite taille. Une thèse vient de débuter, dans notre laboratoire, pour essayer d'y voir plus clair », précise le chercheur.
Marie Lescroart
Notes :
1. Publication dans la revue Current Biology, vol. 19, n° 4, 24 février 2009, pp. 312-318.
2. Associant notamment des chercheurs des laboratoires « Éco-anthropologie et ethnobiologie » (CNRS / MNHN), « Écologie, systématique et évolution » (ESE, CNRS / Université Paris-XI / Inst. Sciences et industries du vivant et de l'environnement), « Dynamique du langage » (CNRS / Université Lyon-II) et « Hôtes, vecteurs et agents infectieux : biologie et dynamique » (CNRS / Institut Pasteur).
3. Selon un modèle statistique calculant la vraisemblance de divers « scénarii des origines » à partir de ces données génétiques.
4. Flux génique : échange de gènes entre deux populations par reproduction sexuée.
http://www2.cnrs.fr
50 000 ans d'histoire génétique des Pygmées
2009-06-03T20:27:00+02:00
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